Bon. J’aurais aimé vous faire un article sur notre arrivée à Montréal, nos progrès en patin ou sur la beauté de l’hiver montréalais.
Mais il faudra attendre le prochain.
Lorsqu’on arrive dans un pays, qu’on le veuille ou non, nous arrivons inévitablement avec des a priori, qu’ils soit positifs ou négatifs. Bien souvent, ce sont même ces a priori qui nous ont fait choisir ce pays. Mais lorsque l’on y est, la carte postale se fissure, et l’on découvre un pays différent, sans doute plus proche de la vérité. Cela ne doit pas être une désillusion, je crois au contraire qu’il faut ouvrir grand les yeux, même sur ce que l’on ne voudrait pas voir, c’est ce qui fait la différence entre le touriste et le voyageur.
Le Canada… Ses 3 habitants par km² (true story), sa nature intacte, ses gens accueillants et chaleureux, ses indiens… Ses indigènes ? autochtones ! Premières Nations ? Attends voir 5 minutes, kossé que c’t’affaire lô ? Comment que c’est qu’faut y dire ? Comment ça c’est un sujet épineux ?
… Vous la voyez venir la fissure ? Laissez-moi partager avec vous, de façon brève et lacunaire, ce que nous avons découvert.
Pour commencer, saviez-vous que nous sommes à Montréal sur un territoire Mohawk non cédé ?
En gros, c’est des terres qui ancestralement appartiennent aux Mohawk. Et un jour quelqu’un de riche et puissant a dit “ouais alors, en fait, dégagez les bouseux, on va plutôt construire une ville. Pi dans longtemps on fera des buildings pour que ça claque. Pi même si t’es pas content bah tu farmes ta yeule”.
Vous l’aurez compris, nous découvrons l’énorme scandale autour de la colonisation du Canada et le traitement réservé jadis et aujourd’hui encore aux peuples autochtones. C’est pourquoi il me semblait pertinent de partager avec vous quelques fait intéressants sur les Autochtones/Premières Nations/Indiens (en fait, ces gens qui étaient là tranquilles pépères sur leurs terres et qui ont vu débouler un matin toute une armada de personnes qui portaient des toges et/ou des armes, qui parlaient pas leur langue mais qui comme de par hasard voulaient être leurs nouveaux amis et qui avaient certainement un sourire machiavélique au coin des lèvres).
Avant tout, il faut préciser qu'il existe bien sûr toutes sortes de peuples autochtones : les Innu, les Algonquins, les Atikamek, les Iroquois, Mohawk et beaucoup d'autres (pour avoir une vision plus juste, c’est par ici : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/10/carte-autochtones-provinces-canada/index.html). Evidemment, chaque nation a sa propre histoire. Mais le processus de colonisation a plus ou moins été partout le même, à savoir violent, et pernicieux.
Les premières nations donc.
Même si dans la culture indienne, les personnes ne possèdent pas la terre mais vivent dessus, font partie d'un tout, harmonieux, d'un point de vue historique et géographique, les autochtones font quand même parti du décor depuis plus longtemps que les anglais et les français. ça prend pas la tête à Papineau, c’est la définition même d’ “autochtone” (Originaire du lieu (pays, contrée, région, par affaiblissement ville, village) où il habite et que ses ancêtres ont également habité).
Sauf que. Au 16ème siècle, le commerce de la fourrure a eu vite fait d’intéresser les européens. Alors on a créé des liens avec ces hippies dans des tipis. Mais quand le commerce a été lancé, les indiens devenaient un peu encombrants. Alors, on a conclu des “ententes” avec ces peuples, pour leur assigner des territoires. Booon, peut-être qu’on leur faisait signer des papiers sans leur expliquer ce qui était écrit. Boooon, peut-être aussi qu’on a envoyé des gros missionnaires pour les faire flipper et bien les soumettre (les Oblats, pour être précis). Mais faut dire qu’ils parlaient pas la langue aussi… les cons.
Jusqu’au jour où, en 1876, un petit génie a eu l’idée du siècle : créer une “loi sur les Indiens”, qui non seulement les rendait inférieurs aux blancs mais qui leur enlevait aussi tout droit éventuel qu’ils auraient pu un jour réclamer s’ils avaient été au courant que leurs terres étaient devenues un pays, le Canada… Mais chut chut, on va pas leur dire.
Alors, vous allez me dire : oui enfin c’était il y a 150 ans cette loi… Et bien je vous le donne en mille… Cette loi est toujours en vigueur. Absolument.
Alors certes, on a un peu fait évoluer cette loi sur les sauvages… Mais c’est récent, et ce n’est pas si simple que ça non plus.
Jusque dans les années 1960, les Indiens étaient considérés comme des mineurs et n’avaient aucun droit (pas le droit de vote, pas le droit de recourir à un avocat, pas le droit d’éduquer leurs enfants selon leur propre culture, pas le droit de sortir de la réserve sans l’autorisation d’un fédéral…). D'ailleurs, je veux pas dire (trop) de bêtises mais je me demande s'ils ne sont pas toujours considérés; juridiquement parlant, comme des individus mineurs.
Jusque dans les années 1970, si tu étais autochtone et que tu voulais étudier à l’université, tu perdais ton statut d’Indien. Oh oui, chouette, tu pouvais jouir des mêmes droits que les canadiens adultes. Sauf que tu devais aussi quitter la réserve, renoncer à ta culture, ta langue, ta collectivité. Pareil si tu voulais te marier à un non-autochtone.
Et comme si cela ne suffisait pas, car une loi ne suffit pas à asservir un peuple, on s’est attaqué à l’éducation des enfants. On s’est attaqué aux enfants par l’éducation. On a créé des pensionnats, pour déprogrammer leurs cerveaux d’indiens tout croches et les assimiler. En faire de bons canayens respectab’. Les enfants étaient enlevés sans explication, emmenés loin de leur réserve pendant des mois et des mois dans des pensionnats catho. Là-bas, ils apprenaient les maths, la religion, la grammaire, le viol et la violence. Un joli programme pour un traumatisme institutionnalisé d’un peuple, pendant des décennies. Jusqu’à la génération de nos parents, vous vous rendez compte !?
Aujourd’hui, les indiens portent encore un numéro d’identification.
Ils vivent encore dans des réserves. Et croyez-le ou non mais ceux qui vivent dans les réserves minuscules sont encore les mieux lottis car au moins, on fait semblant de les aider et on leur demande leur signature pour utiliser leurs terres.
Mais il y a pire ! Chez les Algonquins, par exemple, qui vivent à la frontière du Québec et de l’Ontario, certains sont “locataires” des terres. On leur demande de ne pas trop en demander. On construit des barrages à côté de leur village qui polluent les eaux à grands coups de mercure et autres petits bijoux de métaux lourds mais ils n’ont pas l’électricité.
Mais il y a pire ! Toujours chez les Algonquins, ceux qui ont refusé et n’ont pas pu faire partie de la réserve ou louer les terrains occupent illégalement des terres (qui bien souvent appartiennent à HydroQuébec et eux n’ont accès ni à l’eau, ni à l’électricité, ni même aux égouts ou à l’école. Des zadistes d’un autre temps quoi…
En 1990, une crise a éclaté, la crise d’Oka. Un groupe de Mohawks a bloqué une route afin d’empêcher la municipalité d’Oka d’élargir un terrain de golf sur des terres sacrées. Pendant 78 jours, les Mohawks ont fait face aux agents de la sûreté du Québec et les membres des Forces canadiennes (=GIGN, rien que ça). Cette crise a au moins permis que le gouvernement pose un oeil sur la reconnaissance et la place des Premières Nations au Québec.
Alors aujourd’hui demeure une fracture énorme au sein de la société canadienne, tout simplement parce qu’on a, pendant des siècles, nier l’existence de ces peuples. Aujourd’hui, les enfants canadiens apprennent à l’école que les indiens vivaient au bord des lacs et des rivières, qu’ils étaient chasseurs-cueilleurs ou encore qu’ils construisaient leurs canoës avec des écorces de bouleau… mais pas un mot sur le reste. La méconnaissance est grande et les préjugés ont la vie dure.
Alors, malgré les avancées pour la reconnaissance des Premières nations, il existe un fossé entre les canadiens et les autochtones, surtout en ville où le racisme se heurte et se confine à ce que l’oeil voit, à savoir la grande détresse de certains autochtones qui vivent dans la rue. Par ailleurs, des dynamiques complexes se jouent entre les chefs de camps et le gouvernement, avec des enjeux très compliqués à saisir.
Mais beaucoup d’associations militent, autant pour la reconnaissance de ces peuples que pour l’éducation auprès de tous les canadiens, dans l’objectif de mettre fin à l’ignorance et aux discriminations.
Pour conclure, je ne peux que vous recommander chaudement de regarder ces documentaires qui expliquent de façon beaucoup plus claire et exhaustive l’histoire et les enjeux des Premières Nations :
Le peuple invisible (la base, duquel je tire pas mal d’infos pour ce post) : https://www.youtube.com/watch?v=mqFcre78How
Inuk en colère (qui est en anglais sur youtube ou qu’il faut chercher à la médiathèque) : https://vimeo.com/188885243 ou comment comprendre qu’on n’a rien compris lorsqu’on regarde le monde seulement de sa propre lorgnette.
Et enfin, j’espère que l’on peut y avoir accès depuis la France : le site de l’ONF qui met en ligne gratuitement les films autochtones https://www.onf.ca/cinema-autochtone/?&film_lang=fr&sort=year:desc,title&year=1917..2018
A tout vite pour un nouvel article (qui, promis, sera plus youpilavie!).