C’est vrai que les choses ne se déroulent jamais comme prévu... Mais, parfois... on y est un peu pour quelque chose.
Début octobre, nous finissons de planter de l’ail et l’hiver approchant, nous réfléchissons à la suite de l’aventure. Les éléments factuels pouvant nous aider à organiser notre recherche sont les suivants :
- nous voulons travailler dans une station de ski.
- nous sommes dans la vallée de l’Okanagan
- nous avons un vieux van sans pneu neige à qui il vaudrait mieux épargner trop de route (car, oui, il a déjà neigé en montagne)
- nos copains Gaspard et Lucile arrivent en Colombie-Britannique.
Quelques après-midi au café plus tard, nous avons une liste et une comparaison assez pointue des stations de ski autour de nous, à qui nous commençons à envoyer des CV.
Et c’est Big White, une station familiale à 1h de Kelowna qui mord la première.
Je vous passe l’angoisse des premiers entretiens skype en anglais, dans le camion, collés à la bibliothèque municipale pour grapiller un peu de wifi, avec les fiches vocabulaires calées contre l’écran d’ordinateur. Le fait est que tout se passe plutôt bien, et, après une journée à Big White pour rencontrer des gens et découvrir la station, nous décrochons chacun un boulot (voire plusieurs, et Lucile et Gaspard aussi, d’ailleurs!).
Sauf qu’il est impossible de se loger là haut pour moins de 1200$ (voire impossible de loger un couple tout court). Et puis, bon... c’est plat quand même... Disons que nous pourrions nous en accomoder mais ça ne correspond pas tout à fait à notre Canadian Dream de l’hiver-dans-les-Rocheuses.
Comme il nous reste un bon mois avant que la saison ne commence, nous choisissons de prendre le temps et d’en profiter pour aller voir ailleurs, au cas où...
Nous convoyons donc avec Gaspard et Lucile jusqu’à Revelstoke, petite ville réputée pour sa station de ski. Pour s’y rendre, nous remontons le long de la rivière Okanagan jusqu’à rejoindre la transcanadienne direction est. Alors que les Rocheuses se rapprochent, l’horizon se resserre, les montagnes grandissent, les bas-côtés verdissent, et nous nous réjouissons de retrouver la “vraie montagne”. Nous mettons à profit ces quelques jours à Revelstoke pour déposer des CV, se balader un peu, et surtout chercher des logements.
C’est un moment à la fois joyeux et stressant de notre périple; nous avons l’impression d’être sur plusieurs fronts à la fois, gardant un oeil sur Big White, étudiant les possibilités sur Revelstoke, mais sans pouvoir s’y dédier complètement, le cul entre deux chaises. Et en même temps, nous sentons que les possibilités sont infinies, ce qui est excitant. C’est d’ailleurs une sensation qui revient régulièrement depuis le début de cette aventure, et qui, à mon sens, a beaucoup à voir avec le Canada : l’impression que tout est possible. Que tout n’est qu’une question de choix et de croisées des chemins. Que nous construisons notre expérience avec la candeur d’un enfant qui assemble les rails d’un train électrique, et avec la tranquilité de savoir que, quoi que l’on choisisse, tout ira bien.
Mais là, quand même, on est plutôt fébriles!...
C’est alors que Gaspard et Lucile rencontrent une dame, à la bibliothèque, qui nous parle de “Kicking Horse” et “Golden”, une petite ville encore un peu plus à l’est, derrière le col Rogers. Il paraît que le ski là bas est extraordinaire, et que la ville n’est pas encore aussi populaire que Revelstoke.
Une fois n’est pas coutûme, nous plions bagages et quittons Revelstoke, direction Golden. Alors que nous traversons le parc national des Glaciers, et que nous franchissons le mythique col Rogers, nous savons qu’il sera difficile de faire demi-tour et retrouver les collines de l’Okanagan.
Une fois le col franchi, nous descendons doucement dans la vallée de la rivière Columbia. Une belle rivière bleue claire serpente aux pieds de deux impressionantes chaînes de montagnes : les Rocheuses et les Purcell mountains. Alors que l’autoroute bifurque en direction des parcs nationaux de Yoho et Banff, nous arrivons à Golden.
Si la ville ne paye pas de mine, le décor est somptueux. La station, située à 15km au dessus de la ville, met des étoiles dans nos yeux (surtout dans ceux d’Adrien et Gaspard). Et puis, il y a quelque chose de foncièrement simple et authentique dans cette petite bourgade de 3700 habitants. Les gens te saluent au supermarché, s’arrêtent au milieu de la route pour te laisser passer, discutent avec toi pendant qu’ils promènent leur chien...
Alors, nous prenons la décision de laisser tomber Big White, de refuser les postes proposés et le studio à 1200$ et de concentrer nos recherches à Golden. C’est un peu effrayant car nous dormons dans notre camion, à côté de la rivière, qu’il commence à faire frisquet, et que c’est la saison basse. Par conséquent, tout le monde est parti en vacances, personne n’embauche et les annonces de location de logement ne courent pas les rues. On repart à zéro.
Un bel exemple de comment se mettre des bâtons dans les roues.
Mais la magie canadienne opère finalement...
Nous trouvons un appartement le 15 octobre, dans le basement d’une jolie maison en centre-ville. La maison est occupée par 5 autres personnes venues des deux bouts du Canada, autour de la trentaine. L’appartement est chaleureux, spacieux, nous avons un gentil colocataire que l’on voit rarement à cause de son travail et une grange pour bricoler et stocker du matériel.
Quant au travail, nous sommes finalement embauchés au General Store de la station. Une petite épicerie qui va développer un coin cuisine et dont le chef officiel ne sera autre qu'Adrien. Comme quoi, tout est possible au Canada!
Malheureusement, la station n’ouvre que début décembre, et nous devons alors attendre un mois et demi avant de commencer à travailler.
Nous profitons de ces prolongations-vacances pour aller faire un tour dans les parc nationaux de Yoho et Kootenay, mais surtout pour organiser notre hiver : trouver un endroit pour mettre Big Boy en hivernage, acheter une voiture pas chère pour monter à la station, trouver du matériel de ski et remplir le congel de bons petits plats...
Nous sommes aujourd’hui le 7 décembre, jour d’ouverture de la station. Nous avons commencé à travailler et nous avons fait notre première descente dans les Rocheuses canadiennes.
La neige est presque bonne.
Les locaux commencent à nous faire des signes de main.
Tout est en place pour passer un bel hiver.
Fun fact : la station “Kicking horse” (“le cheval qui rue”) doit son nom à la rivière éponyme qui rejoint la Columbia River à Golden. Elle-même doit son nom à James Hector, valeureux explorateur qui, en 1858, se fait violemment éjecter par son cheval et atterit dans la rivière. La Kicking Horse river est alors baptisée en souvenir de l’accident.
...et belle coïncidence de la vie : alors que nous nous garons un soir à Golden, au bord de la rivière, avec Big Boy et la voiture de Gaspard et Lucile, un autre van est stationné. Nous découvrons le lendemain, stupéfaits, que ses occupants sont Clémentine et Morgan, un super couple de français que Gaspard et Lucile avaient rencontré quelques années plus tôt.. au Laos !
Petit bonus de fin d'année, un aperçu de Golden, tourné à l'automne (et Joyeux Noël bien sûr!) :